« Sans l’option préférentielle pour les plus pauvres, l’annonce de l’Evangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise. »
Pape François, Evangelii gaudium, La joie de l’Evangile, exhortation apostolique, 199
Le 17 mars, tout s’est figé avec le confinement …tout, sauf la solidarité. Les associations, les collectifs citoyens, les particuliers engagés dans l’accueil et la défense des droits des personnes étrangères ont poursuivi leur action sous diverses formes …La solidarité ne s’est pas confinée. Comme l’écrivent Srs Marguerite–Marie et Myriam, dont vous lirez le témoignage ci-dessous : « Dieu nous donne la Vie et nous nourrit à travers les liens que nous tissons avec nos frères et sœurs réfugiés ! C’est une grâce, sa Grâce qui nous comble ! »
Après avoir dénoncé les atteintes aux droits des migrants, relayé les appels des associations aux autorités concernant situation des plus précaires en cette période de confinement, la Pastorale des migrants donne la parole aux personnes qui ont vécu la solidarité avec les migrants dans notre diocèse.
Ouvrir sa porte et accueillir un étranger
Il existe à Valenciennes une antenne de JRS (Jesuite Refugee Service). Ce partenaire du service national de la Pastorale des migrants a mis en place un programme appelé Welcome à destination des demandeurs d’asile. Il propose une hospitalité et un hébergement provisoire et gratuit au sein d’un réseau national de familles et de congrégations religieuses. L’antenne de Valenciennes regroupe un réseau d’accueillants.
https://www.jrsfrance.org/jrs-welcome/
Voici le témoignage d’une de ces familles :
HISTOIRE DE CONFINEMENT
Cinq semaines partagées à la maison avec un jeune Africain
Nous le savons maintenant, un confinement, ça vous tombe dessus sans prévenir…Oui, ça nous est tombé dessus et pas sur nous seulement !
Il avait été prévu que MC (« Appelez-moi comme ça » nous a-t-il demandé) allait résider dans notre maison quelques cinq semaines dans le cadre des accueils familiaux proposés par JRS. Nous étions sa troisième famille d’accueil.
MC, originaire de Guinée, vient d’avoir 18 ans, il est en attente d’un titre de séjour. Il suit, avec intérêt et très régulièrement, des cours au lycée et un stage en apprentissage, et réussit fort bien. Il a découvert, grâce au sport, à l’école, au monde du travail, une vie sociale de son âge : ah ! ce téléphone portable à gogo, musiques, séries, rigolades entre « potes », équipe de foot chaleureuse !
Il aspire, bien sûr, à plus d’indépendance, de liberté, comme tout jeune majeur : arrivé en France depuis dix-huit mois environ (il reste très discret sur le parcours qui l’a amené dans le Nord), ce jeune migrant a expérimenté son autonomie – forcée en quelque sorte- et découvert aussi la vie d’un pays (rêvé ?) , mais avec les contraintes imposées à un jeune sans papiers, sans famille.
MC rêve donc d’indépendance …mais ce qu’il ne connaît pas encore, et nous non plus, surgit brusquement, le confinement ! Et le voilà du jour au lendemain, réduit à vivre entre deux personnes âgées (pour lui, pas pour nous !) qui sont déjà organisées comme des retraités : chambre à disposition et, heureusement, jardin partagé …mais toutes ses relations sociales s’interrompent.
Il nous a fallu, ensemble, trouver le bon rythme, apprendre la distanciation sociale, le lavage des mains, gérer ce trop plein de temps libre.
MC maîtrise assez finement la langue française et il possède surtout une réelle capacité d’adaptation, ce qui nous a beaucoup facilité la mise en œuvre du confinement, malgré quelques tâtonnements.
De jour en jour, nous avons appris à admirer et à nous laisser surprendre par les qualités humaines de notre hôte : discrétion, respect, humilité, modestie.
« Nous avons appris à reconnaître tes besoins, MC, même si nous ne pouvions tous les comprendre : ta claire franchise, ton sourire, ton joli sens de l’humour, ont largement simplifié les relations.Par petites touches tu as bien voulu parler de ton pays, de ta famille, et aussi de ta peur de ce sombre virus, des conséquences qu’il pouvait avoir sur ta vie, sur la nôtre et celle des tiens, au pays.
Une véritable et délicate humanité a émergé au fil des semaines. Nos espérons avoir été à la hauteur.
Tu poursuis ton chemin de vie.
Ces quelques jours partagés avec toi nous ont rendus heureux : avec toi, MC, il a été simple d’accueillir l’étranger…et maintenant nous ne sommes plus étrangers, toi et nous. Nous te remercions vraiment de tout ce que nous avons appris avec toi.
Comme tu nous l’as écrit dans un petit mot laissé à notre intention, « Vous comptez parmi les personnes qui font partie de ma vie », toi aussi, MC, tu comptes parmi les personnes qui font partie de notre vie. »
Recevoir la vie en accueillant la fraternité
Depuis le démantèlement du camp de Grande-Synthe le 23 octobre 2018, les demandeurs d’asile se succèdent à l’ancien hôtel O’Capio, à Somain, reconverti en CAO, Centre d’accueil et d’orientation. Un groupe de paroissiens du doyenné de l’Ostrevant s’est engagé auprès d’eux et des liens se sont tissés avec les personnes qui y sont hébergées, souvent en famille (cours de français, aide aux devoirs etc…). Avec le confinement, plus personne n’est autorisé à entrer dans le centre …et pourtant … à quelques jours de Pâques, Srs Marguerite-Marie et Myriam « ont reçu la vie en accueillant la fraternité ».
Voici leur témoignage:
« Nous sommes en plein cœur du confinement. Pâques approche ! Le coronavirus agit, silencieux et invisible, semant angoisses, peines et mort. Et pourtant la vie malmenée distribue autour de nous comme autant de mains solidaires, ses « perles » de partage, de générosité, de présence, de soutien. Nous en avons été témoins !
Le centre des réfugiés O’Capio de Somain, est fermé par mesure sanitaire. Personne ne peut entrer. Dès les premiers jours, l’équipe des volontaires qui intervient pour l’initiation à la langue française, doit interrompre toute présence auprès de nos frères et sœurs réfugiés, adultes et enfants.
Comme nous, nos amis sont confinés mais dans un espace réduit. La chambre qu’ils occupent est l’unique lieu de vie du moment. Les familles y dorment, mangent, les enfants y jouent. Ils ne disposent pas de masques, ni de gants, ni de gel. Le temps s’étire lentement sans les visites extérieures.
Nous nous préoccupons de savoir ce qu’ils deviennent, comment ils tiennent au jour le jour et que pensent les enfants ?
Nous avons des nouvelles par les membres de l’équipe responsable lorsque nous téléphonons. Mais jamais nous n’avons la possibilité de rentrer en contact direct avec nos amis.
Et puis un jour, Sr Myriam reçoit un mail de la responsable de O’Capio qui lui fait part de la demande de Ab* le papa d’un des enfants dont elle s’occupe. Il aimerait avoir son numéro de téléphone pour prendre de ses nouvelles ! Quelle heureuse surprise et quelle belle fleur d’amitié!
Dans les jours suivants, le lien est fait et nous nous parlons avec émotion, avec joie, une joie profonde qui bouleverse. Avec un français hésitant, Ab nous donne des nouvelles de la famille, de la santé, des difficultés vécues et demande aussi ce que nous devenons. Les 4 enfants sont tout excités autour de l’unique téléphone voulant parler ensemble après leur papa. Ils nous disent combien ils ont hâte de nous voir et nous disent merci pour ce que nous leur donnons ! Il y a dans la voix comme un grand sourire, un grand soleil chaud venu d’Afrique.
Nous avons savouré cet instant longtemps après avoir reposé le téléphone. En ces jours gris qui nous séparent de Pâques, nous avons reçu la vie en accueillant la fraternité ! Dieu nous donne la Vie et nous nourrit à travers les liens que nous tissons avec nos frères et sœurs réfugiés ! C’est une grâce, sa Grâce qui nous comble. »
* le prénom a été changé
PAS DE CONFINEMENT POUR LA SOLIDARITÉ, suite des témoignages, cliquer ici.
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