PAS DE CONFINEMENT POUR LA SOLIDARITÉ ...Suite

A Auby la vie avec les familles Roms continue

Nous avions l’habitude de les voir dans les rues de nos villes ou à la porte de nos églises, tendre leur gobelet de plastique, avec un sourire, un bonjour, un merci. Mais ils sont aussi ferrailleurs, avec, souvent,  un statut d’auto-entrepreneur. Leurs enfants côtoient parfois les nôtres à l’école. Ils tentent de trouver leur place chez nous, mais vivent le plus souvent dans la précarité, aux marges de notre société. Avec le confinement, nos rues ont été désertées, nos déplacements limités et contrôlés…Pour les roms, à Auby comme ailleurs dans le diocèse, la vie déjà précaire, est devenue très compliquée.

 

Voici le témoignage de Danièle qui se bat à leurs côtés depuis des années :

« Durant toute la période de confinement j'ai pu rester en lien avec les familles

Téléphone  et mail  -

Ils ont permis de faire le lien entre la PMI et la famille du bébé de 3 mois. J’ai apprécié le souci de la sage femme de tout faire pour que la famille puisse venir à la consultation pour les vaccins. Concernant le suivi scolaire des enfants, grâce aux mails de la directrice d'école j'ai pu réceptionner les fiches mais,  sans accompagnement, sans ordinateur,  pour eux, pas possible de suivre.J’ai pu ravitailler chaque semaine le camp  en prenant des précautions. Très vite ils ont respecté les distances.

Mais le manque de ferraille se fait sentir et ils attendent avec impatience le déconfinement pour voir si cela va reprendre. Ce samedi matin,  sur le parking de Liddle ,  Vasile (16 ans) refait la manche Dans sa famille ils sont 9. Le  papa doit normalement reprendre son contrat d'insertion lundi, premier jour du déconfinement.

Avec les difficultés financières pour acheter les bouteilles de gaz ils sont  obligés de fabriquer des barbecues. Des voisins réagissent parce "qu'ils font du feu". J'essaie bien d’expliquer que c'est le seul moyen actuel pour faire cuire un peu de nourriture mais ce n'est jamais simple.

Restent aussi les problèmes liés au camp : pas d'eau, pas de WC.

Des gestes qui ont du prix

Pour les masques : ils en auront aussi par la mairie. Une copine a décidé de leur en confectionner  et m'a envoyé de nombreux messages pour connaître les âges. Des personnes deviennent ou sont attentives à ce que les familles vivent en ce moment.

La police municipale fait les liens avec moi : en début du confinement, ils sont venus chez moi pour dire que les familles avaient faim. Un membre du personnel de la mairie a  essayé de trouver le camp pour faire signer les papiers pour le redoublement à l'école de 2 enfants. On se retrouve d'ailleurs ensemble sur le camp et ça se passe très bien.A la mairie on sait que je suis bénévole sur le camp et qu'on peut me joindre s'il y a un souci

Quant à leur demande de logement tout est en "stand by". Seront-ils expulsés ? »

Danièle

 

Denain : aux côtés de Mihai et de sa famille pendant le confinement

Un « comité migrants » a été fort actif lorsque les roms étaient très présents dans le Denaisis (aide administrative pour l'accès aux droits, alphabétisation, proposition de connaissance interculturelle). Depuis deux ans, et le départ des nombreux roms, le comité s’est essentiellement consacré à l’accompagnement d’une famille , celle de Mihai , en traitement contre un cancer du poumon qui ne peut être traité en Roumanie.

 

Mihai résidait à Denain tandis que sa famille résidait en Roumanie sans moyens de subsistance. Et puis, quelques jours avant le confinement, Mihai revient de Roumanie avec sa femme Viorica et deux filles (ils ont 4 enfants). Surprise ! Ils ne nous avaient pas prévenus ! Or, clin d’œil du ciel, ce qui n’avait pas pu se réaliser jusqu’à présent aboutit ! Grâce à un propriétaire enfin coopératif (nous cherchions depuis longtemps un petit studio pour Mihai). La famille s’installe donc dans un studio à Denain. Des personnes se sont mobilisées pour amener une table, des chaises de la vaisselle et de quoi manger pour le soir. D'autres personnes ont donné des serviettes, du linge.Petit à petit l’appartement devient un lieu agréable (Viorica installe un cadre).Le loyer, l'électricité sont payés , grâce aux dons de quelques-uns , ainsi que des denrées alimentaires (certaines arrivent même par des voisins).

L’accompagnement dans le suivi médical de Mihai se poursuit, et le personnel administratif comme médical met vraiment du sien. L’un de nous gère les papiers administratifs, les impôts. Ce qui n’avance malheureusement pas, c’est la reconnaissance de ses droits : pas de reconnaissance d’invalidité, pas de droits Caf. Nous nous organisons pour rendre visite à Mihai et sa famille suivant les disponibilités et la capacité de chacun  à sortir de chez soi pendant  ce confinement. Nous continuons de veiller à leurs besoins (vêtements, livres pour les filles, achats d'alimentation).

Tandis que nous constatons que l'état de santé de Mihai est inquiétant (il est faible et mange peu) nous constatons sa capacité de vie, ainsi que celle de sa femme et des enfants.  Nous constatons la mobilisation, surtout  au –delà de la communauté paroissiale. Le corps médical entreprend une 4ème expérimentation de lutte contre le cancer de Mihai. Leur espérance rejoint la nôtre et notre action de grâce pour l’action indéniable de Dieu avec nous.

Annie-Caroline, Suzon, Christophe

 

Communier quand on est privé de l’Eucharistie

L’accueil en paroisse est vécu dans le diocèse, sous diverses formes,  depuis l’appel du pape François le 6 septembre 2015 : « Que chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d’Europe accueille une famille, à commencer par celles de mon diocèse de Rome ». C’est le cas dans la paroisse de Catherine : repas solidaires, invitations le dimanche, à Noël… Ces gestes fraternels ont continué pendant le confinement.

 

Voici son témoignage :

"Confiné comme tout le monde, D, réfugié politique    originaire de la République Démocratique du Congo (RDC), est isolé et sans ressources ; il travaillait dans un laboratoire d’analyses médicales dans son pays. Ici, il est en attente d’un document pour pouvoir entamer une formation d’aide soignant.

Je vais le voir régulièrement pour lui apporter un peu de nourriture, des masques et je lui ai envoyé la prière à Marie écrite par le pape François pour ce temps de pandémie.

Ce n’est pas grand-chose, quelques petites attentions, mais cela peut être une façon de communier quand on est privé de l’Eucharistie."

Catherine

 

La générosité est contagieuse…

Les filles de la Charité, qui habitent dans le quartier de Dutemple à Valenciennes, sont engagées auprès des plus pauvres,  dans leur voisinage mais aussi à Midi-partage.  Le confinement a rendu encore plus visibles les inégalités, les diverses formes d’exclusion,  que ce soit celles qui frappent nos concitoyens ou les migrants, mais la générosité n’a pas de frontières …

 

Voici leur témoignage: 

« Les premiers jours de confinement, Paulette, munie de son autorisation dérogatoire, continue à aller à « Midi partage »parce qu’elle est bouleversée de voir la misère de la rue.

Un jeune étudiant prépare un master. Ses  parents, au bled,n’envoient que ce qu’il faut pour payer le loyer. Il n’a rien , plus rien à manger. Le resto U est fermé. L’accueil Saint Vincent de Paul est fermé ! Il ne peut plus faire sa lessive. On ne le voit plus à « Midi-partage ».On sait sa difficulté de n’avoir pas les moyens de payer son passeport. La responsable envoie Paulette chez lui avec du ravitaillement. Le pauvre l’accueille les larmes aux yeux. Il va pouvoir manger un peu. Il ose parler de son linge,  elle donne quelques euros pour le Lavomatic.Suite à une réflexion communautaire, et grâce aux dons reçus,  il a de quoi payer le passeport utile pour la poursuite de ses études.

En période de ramadan, nos frères musulmans sont très généreux et nous demandent qui aider. Nous leur signalons ce jeune à qui ils portent un colis chaque semaine ainsi qu’aux autres étudiants(es) étrangers qui restent à l’université.

Une famille du Kosovo , que nous aidons depuis longtemps , partage avec plus pauvres qu’eux ce que nous leur donnons.

Et Alfred… Il pourrait être chez lui, bien au chaud, mais voilà, sa compagne en a fait son souffre-douleur, alors il est relégué dans un réduit. Pas d’accès à la douche, ni à la cuisine. La journée il reste dans sa voiture. Il n’est pas paresseux, il ne sait guère se défendre : pas de travail donc pas de logement !
Chaque fois que cela est possible on l’appelle pour lui donner à manger.
En paroisse un roulement est institué pour lui téléphoner chaque jour afin que ce temps lui soit moins difficile à vivre.

Jo. Son mari est malade, invalide, il n’y a qu’une toute petite retraite pour vivre. Elle héberge encore trois de ses enfants et des petits enfants qui ont perdu leur maman et dont le papa ne s’occupe plus. Comment faire pour manger chaque jour à sa faim ? Les dons reçus sont toujours les bienvenus…

Notre voisine qui tient une épicerie nous apporte le soir les invendus de la journée (surtout le pain) que nous pouvons distribuer à des personnes en grande précarité.Sensible au jeune étudiant (leur fils est aussi en université) ils donnent largement pour lui.

Nombreux sont ceux que nous aidons : la générosité étant contagieuse, grâce aux dons reçus, nous pouvons subvenir aux besoins élémentaires de chacun, et acheter les produits de première nécessité (hygiène….). »

Srs Anne-Marie, Nadine et Paulette,

 

S’il te plaît, prends soin de toi …

A leur arrivée en France, quand ils sont encore au début de leur parcours administratif,  beaucoup d’exilés fréquentent les ateliers d’apprentissage du français mis en place par les associations. Une fois leur situation stabilisée, ils ont accès à des droits, peuvent bénéficier de cours intensifs, continuant leur route et  donnant, pour certains, de temps à autre de leurs nouvelles. Ils poursuivent leur intégration  dans d’autres lieux, d’autres structures. Le confinement a été l’occasion de mesurer la profondeur des liens qui se sont tissés entre eux et les bénévoles qui les avaient accueillis au début de leur parcours.

 

En voici un témoignage :

« Ils ont suivi les activités de l’atelier d’apprentissage du français où je suis bénévole  à leur arrivée  dans le Nord, ont fêté avec tout le groupe l’obtention de leur  statut de réfugiés et de leur carte de résidents  de 10 ans. Ils ont poursuivi la route de leur intégration, presque gênés de devoir nous quitter : cours intensifs de langue, programme d’insertion, et premier travail au lendemain de Noël 2018 pour lui, cours de langue, découverte des métiers de la  petite enfance, réussite à un concours de recrutement et premier stage pour elle en 2019. Et voici qu’à l’approche du printemps  2020 surgit  le confinement.

Leur dernier   message datait de  début janvier, pour me souhaiter « le bonheur et la santé », et, le 20 mars, je reçois un SMS du mari, qui continue à travailler et se charge du ravitaillement familial : « Bonjour, tu vas bien ? Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Je peux faire des courses pour toi, si tu veux. » Ils savent que je vis seule, que ma famille est loin, et que le confinement isole les retraités, dont les activités de bénévoles se sont arrêtées. Je réponds que je vais bien : je suis allée faire mes courses pour deux semaines, ma vie de confinée,  entourée de voisins attentifs, dans une maison dotée d’un jardin, est très confortable (eux vivent en appartement avec leurs deux enfants).

La réponse ne se fait pas attendre : « Comme j’ai dit, dis-moi si tu as besoin de quelque chose, s’il te plaît. Prends soin de toi. »Cette insistance me va droit au cœur, surtout ce « […] s’il te plaît. Prends soin de toi » qui exprime toute leur attention à mon égard, leur  désir de me protéger de ce virus, de prendre soin de moi à leur tour. J’ai savouré ce moment, je l’avoue, où, renvoyée à ma vulnérabilité de « plus de 65 ans », je pouvais me reposer, en cas de nécessité, sur leur affection et leur jeunesse. »

C.

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Article publié par Pastorale des migrants • Publié le Mardi 19 mai 2020 • 1523 visites

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